Il était une fois une maman et un papa qui s’aimaient beaucoup.
La maman était petite comme le petit placard de la cuisine où sont rangés les gâteaux à la fraise et au chocolat. Ses cheveux noirs, longs et bouclés, étaient attachés par des chouchous de couleurs différentes; on apercevait ses yeux bleus derrière de petites lunettes rondes.
Le papa était très grand, comme la porte, et il baissait toujours la tête pour ne pas se cogner. Chaque jour, il portait une cravate d’une autre couleur.
- Vous avez vu comme il est élégant, notre papa?, disait toujours la maman des enfants, en se haussant sur la pointe des pieds pour lui donner un baiser quand il partait travailler très tôt, chaque matin.
Et les enfants se demandaient tout bas pourquoi leur maman disait «notre» papa; ce n'était pas son papa, à maman; le papa de maman, c’était « grand-père»! Enfin, parfois, les grandes personnes parlent étrangement….
Tu veux sans doute maintenant que je te dise comment les sept frères s’appelaient? Eh bien, tu vas rire!! Le papa et la maman avaient donné aux sept garçons des prénoms, en suivant l’ordre des sept lettres de l’alphabet: A, B, C, D, E, F, G.
Alain l'ainé, Benjamin, Charlie, Dan, Emmanuel, Felix, et Gillou (le benjamin) qui avait presque deux ans.
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Or, un dimanche matin, Alain, l'ainé, rassembla tous ses frères, après le goûter, ferma la porte et leur annonça le secret. Même bébé Gillou avait enlevé sa tétine pour mieux écouter.
- Notre maman va bientôt avoir un nouveau bébé, et nous devons décider comment l’appeler, dit Alain. Qui a une idée?
- Parce qu’Achille, ça commence avec un A! Et que nous avons dit un H, expliqua Alain.
Félix n’était pas sûr d’avoir compris mais il n’osa rien dire et laissa ses grands frères décider.
- Réfléchissons, dit Dan; moi, je propose «Henri»!
- Berk! dit Benjamin, « Henri », c’est le nom du chien de la boulangerie. On ne va pas appeler notre petit frère du nom d’un chien. Non, moi, je propose … «Hubert», comme le patron des chasseurs.
- Relou! lança Dan; «Hubert», c’est le nom du perroquet du magasin d’oiseaux d’en face qui répète toute la journée « Hubert n’est pas Robert; Hubert n’est pas Robert ». Non, je ne suis pas d’accord. On ne va pas appeler notre petit frère du nom d’un perroquet. Non, moi, je propose «Hercule», comme cela il sera très fort.
- Pas question! dit Emmanuel. Pour s’appeler Hercule, il faut avoir des biceps, et le bébé sera trop petit pour en avoir. Non, moi, je propose «Hugo»; c’est le nom de mon meilleur copain et il est très gentil.
Hugo, Hubert, Hercule, Henri… La bagarre commença; ils criaient tous à tue-tête.
- Taisez-vous, ordonna Alain. Ça suffit! Puisque c’est comme ça, on va voter!! ».
- Ca veut dire quoi voter? demanda le petit Félix.
- Ca veut dire que tu lèves la main et qu’on compte les mains. Le plus de mains qu’il y a, on a gagné, répondit Dan.
Le vote commença: chacun réfléchissait et se concentrait.
A chaque prénom proposé, Alain comptait les mains levées.
Henri: 1; Hubert: 1; Hugo: 1; Hercule: 4!!!
Même bébé Gillou avait levé son bras et son nounours quand Alain avait crié: «et pour Hercule, qui est pour?»
Eh bien! C’était donc décidé, le bébé s’appellerait «Hercule»!!!
Alain leur fit promettre de garder le secret.
Comme d’habitude, pour les secrets, chacun mit le doigt sur sa bouche et tapa dans ses mains.
Forcément, Alain avait douze ans. C’était un grand!
A la queue leu leu, tous les garçons, très émus, firent un baiser au ventre rond de leur maman, lui dirent au revoir et chacun murmura tout bas, sans que ni leur maman ni leur papa n’entendent :
- A bientôt Hercule……….
Et ils éclatèrent de rire car pour la première fois, leur Papa avait oublié de baisser la tête et il s’était cogné en passant la porte.
La porte de la maison fermée, Alain rassembla ses sept frères, même bébé Gillou; ils s’assirent par terre, mirent le doigt sur la bouche et tapèrent dans leurs mains.
Alain ordonna.
- On va ranger et préparer tout de suite la maison pour Hercule; chacun va préparer un beau jouet; on a toujours fait ça quand vous êtes nés et on va décorer la maison avec les guirlandes.
- Mais toi, Alain, alors, qui t’a préparé un jouet ? demanda Félix, songeur ….
Mais Alain l’aîné, n’avait pas entendu.
Les garçons se mirent à choisir parmi leurs jouets leur cadeau pour Hercule.
Pendant quelques jours, dans la maison sans la maman, le désordre fut un peu plus grand mais le soir, pour le diner, avec les pizzas et les spaghettis, tout le monde se régalait!
Tous se regardaient incrédules. Une sœur!!!! Une fille!! Quelle surprise!
Les sept frères, très déçus, décidèrent aussitôt que si le bébé était une fille, on n’y pouvait rien mais qu’il fallait limiter les dégâts et qu’il n’était pas question de l’appeler Héloïse: c’était carrément trop moche.
- Héloïse?! Mais pourquoi pas «Hercule»? demanda le petit Félix. On a tous voté, Maman. Tu ne peux pas changer!
- Oui, c'est Hercule, ajouta même bébé Gillou qui avait tout compris.
- Mais parce que «Hercule», dit en riant la maman, c'est un nom de garçon et que le bébé est une fille, c'est votre petite sœur : «Héloïse».
A la queue leu leu, chacun des garçons déposa son cadeau dans le berceau.
Lisou-Bisou dormait mais dans son sommeil, quand Félix déposa sa toupie rouge, elle sourit.
- C’est moi qu’elle préfère, annonça fièrement Félix.
Les autres n’étaient pas d’accord et, comme dans ces cas-là, la bagarre commença.
- Ah non, pas ce soir, je suis fatiguée et vous allez lui faire peur, dit la Maman.
Le papa embrassa la maman. La maman embrassa les garçons. Les garçons embrassèrent Lisou-Bisou. Chacun sauta dans son lit et s’endormit.
Et c’est ainsi que naquit Héloïse, dite Lisou-Bisou, la huitième d’une famille de sept garçons!!