Scroll To Top
logo facebook google

Scroll To Top

Bonjour,

Le magnifique Seder dont je vais vous raconter l’histoire, s’est déroulé  il y a quelques années avec 

Mes deux sœurs Noémie, Léa et ma Maman Delphine;

Mes quatre  cousins Dan, Hannah, Simon, Sarah,  ma Tante Karine et Mon Oncle Benjamin;

Mes trois cousines Eve, Judith, Elsa,

ma Tante Ilana et Mon Oncle David,

Et mes Grands Parents.

Lorsque cette histoire est arrivée, ma petite cousine Clara n’était pas encore là.

 

Quant à moi, Yaël, qui vous la raconte, je suis l’ainée de mes cousins et cousines... …

Et si vous vous perdez un peu dans les prénoms,

Ce n’est pas grave……

 

Commençons !

 

Chapitre 1
Ou passerons-nous le Seder cette année ?

Cette année, les fêtes de Pessah s’annonçaient bizarrement.
D’habitude, maman me disait toujours :
-Yaël, pourquoi faut-il que je te répète trente six fois d’aller nettoyer ta chambre ; regarde toutes les miettes, à côté de ton lit ; c’est bientôt Pessah, bouge-toi donc.

C’est vrai qu’il y a toujours des miettes de gâteau ; mais quand je rentre du collège, parfois, je m’allonge sur mon lit et je grignote un petit gâteau en téléphonant à mes copines.

Quoiqu’il en soit, ma sœur Noémie et moi (car Léa était trop petite),  en trainant des pieds, nous allions ranger nos chambres jusqu’au fond des tiroirs, de notre bureau et de nos bibliothèques.  
C’était toujours la joie car on retrouvait des trésors qu’on croyait avoir perdus pour toujours.
Je me souviens qu’une année, j’avais retrouvé, sous le matelas de Noémie, une carte du Monopoly qu’on cherchait partout : la rue de la Paix ! 

Et même une année, Maman avait poussé des cris de joie :
- les filles, les filles…. Yaël,  regarde, j’ai retrouvé ton bulletin de notes, de 2001, sous la machine à laver ! Quand je pense comme on l’a cherché…..On ne voit même plus les notes ; elles ont été délavées par l’eau et le savon !
Noémie et moi, nous nous étions regardées d’un air entendu ……. C’est aussi bien, avais-je pensé, vu mes notes en maths, moins on les voit, mieux je me porte ! 

Bref, cette année, curieusement, Pessah approchait et Maman n’avait rien dit, rien fait. Pas de ménage de Pâques, pas de remue-ménage.  Rien. Pourquoi ? N’allait-on plus fêter la sortie d’Egypte ?  Quand on avait été esclaves et qu’on s’était tous sauvés avec Moïse ? C’était pourtant super chouette !

C’était un dimanche midi. Grand-père nous avait réunis, tous les cousins ensemble, les oncles, les tantes et Grand-Mère,  et il avait annoncé solennellement :
- Mes enfants, cette année, nous avons décidé, avec vos parents, d’aller passer les fêtes de Pessah là où Moïse a emmené nos ancêtres ! 

On voyait bien que nos mamans étaient drôlement contentes. La Tante Karine et la Tante Ilana étaient toutes souriantes, même si elles étaient un peu tristes de ne pas être avec leur maman et leur papa pour l’un des soirs.  Mais c’était surtout Grand-Mère qui se réjouissait.
Ça se comprend car maintenant qu’on est nombreux avec aussi les cousins Brigitte, Philippe, Rachel, Adva et Ovadia qui sont toujours avec nous, ça fait du monde !

Nous, les enfants aussi, on était tout excités.
- Mais c’est où que Moïse, il a emmené nos ancêtres, a questionné ma petite sœur Léa, en demandant si sa poupée Charlotte pourrait aussi venir ? 
- En Israël, a répondu  ma cousine Elsa,  avec autorité.
- Pas du tout,  a répliqué mon cousin Dan qui savait toujours tout : Moïse, il    n’est pas rentré en Israël. Il est seulement monté sur le Mont Sinaï !
- Après avoir traversé la Mer rouge, ai-je ajouté.
- Alors, ce n’est pas drôle ! Moi, je veux rester à la maison, s’est mise à pleurnicher Hannah, je ne veux pas aller sur le Mont Sinaï.

- Et moi non plus, je ne veux pas y aller ! Je veux rester avec Hannah, a déclaré Judith, je ne veux pas aller dans la Mer rouge ....sauf si je peux prendre mon masque et mes palmes.

Grand-père avait appelé au calme, nous avait rassurés et on avait joué au jeu des devinettes.
Où allions nous donc aller ?

- Est ce que c’est une ville ?  avait demandé Judith.
- Non, avait répondu Grand-Père.
- Est-ce qu’il y a la mer ? avait demandé Dan.
- Non, enfin oui, avait – il répondu.
- Faudrait savoir ! Est ce qu’il y a une rivière ? avait demandé Noémie, toujours impatiente.
- Non, avait – il répondu.
- Est ce qu’il y a un jardin avec des balançoires ? avait demandé Hannah.
- Ou des toboggans ? Avait tenté Elsa.
- Non, avait – il répondu.
- Alors y’a rien du tout, même pas du sable pour faire des châteaux, c’est nul ! ! Avait conclu en boudant Simon pendant que les petites Sarah et Eve répétaient  à l’unisson « c’est nul ! C’est nul ».
- Non, ce n’est pas nul, car oui, justement,  du sable, ce n’est pas ça qui va manquer, avait alors répondu grand-père, avec un drôle de sourire.

- Dans le désert !!, avaient alors crié en chœur, Elsa, Noémie, Hannah et Dan, en poussant des cris de Sioux et en dansant tout autour de moi.

Grand-père avait acquiescé et on s’était tous assis avec lui dans le coin du salon, sauf Eve et Sarah qui passaient leur temps à ramper sous le piano noir en continuant de crier : « c’est nul ! C’est nul ! C’est nul ».
Judith et Hanna avaient fini de bouder et s’étaient approchées.
Les parents qui mangeaient, un peu plus loin, une tarte à la rhubarbe - je me demande comment les grandes personnes peuvent aimer ça - écoutaient aussi les plans prévus mais ils devaient les connaître car ils écoutaient distraitement.
Pendant que Grand-Mère nous apportait un grand cake au chocolat avec des verres et des pailles de toutes les couleurs, remplis à ras bord de diabolo-menthe, de coca ou de grenadine, Grand-père expliqua.
Nous étions très attentifs.
- On va aller en Egypte et ensuite, on remontera vers Israël faire  le seder dans le désert du Sinaï, sous la tente, comme au temps des Hébreux. On prendra des couvertures bien chaudes car les nuits sont très fraiches.

Noémie, toujours pratique, demanda si on pouvait quand même emporter des allumettes pour faire un feu et faire chauffer les repas.
Dan,  pas d’accord, répondit qu’à l’époque, il n’y avait pas d’allumettes et qu’on allumerait donc le feu avec des silex.
Je fis observer qu’il n’y avait pas de silex dans le désert  et rappelai qu’on pouvait allumer un feu avec le soleil et une loupe.
Judith dit que son père avait une loupe et qu’elle l’emporterait.
Noémie chuchota à l’oreille d’Elsa qu’on ne sait jamais, et qu’elle emporterait des allumettes au cas où….et Elsa, complice, l’approuva.
Léa voulait simplement emmener sa poupée Charlotte, ce qui ne posait aucun problème à personne.
Simon demanda comment ils iraient dans le désert et Grand- Père répondit qu’après l’avion, ils rouleraient dans des jeeps.
Alors là, ce fut l’allégresse. Dans des jeeps !!
Simon, Dan et Judith se sont mis à courir partout. Ils s’y croyaient déjà, roulant dans les dunes de sable, dans les creux et les bosses…..comme ils avaient vu faire dans un safari en Afrique, à la poursuite des gazelles, des pumas et des servals.
Dans le coin du salon, il ne restait que les miettes du cake au chocolat, et les verres multicolores vides.

Tout le monde était joyeux. Ces fêtes de Pessah s’annonçaient vraiment bien.
Grand-père rappela simplement que nous, les enfants,  aurions à nous préparer à lire le récit de la Haggadah et que si nous voulions expliquer certains passages, il en serait très fier. On se regarda tous. On était d’accord pour lire mais pour le reste…..nous n’étions pas d’accord.
Alors, en notre nom, Noémie annonça que ça suffisait qu’on lise le texte en hébreu. Pour les explications, c’était aux grandes personnes de les donner ! Nous, on allait surtout se préparer à vivre dans le désert, comme au temps de Moïse.
- Mais, Yaël, me demanda alors Dan, quel nom allons-nous donner à notre tribu ?
Je répondis qu’on avait le temps et qu’on verrait plus tard.

 

 

Je ne vous raconte pas tout notre voyage dans l’avion. Ca prendrait trop de temps. On ne s’est pas du tout ennuyés.  Ah ça, pas une minute !
Les parents s’étaient tous assis ensemble à gauche et nous, avec Grand-père et Grand-mère,  à droite.
A part Eve et Sarah qui traversaient continuellement l’allée centrale comme si elles traversaient déjà la Mer Rouge, poursuivies par le Pharaon, on est restés bien tranquilles. Enfin presque, car Simon a renversé son plateau repas sur Judith qui l’a poussé alors un peu trop fort et du coup, elle a renversé le sien sur Hannah qui était assise à côté. Heureusement, c’était seulement de la salade de tomates et comme Hannah avait une jupe rouge, on ne voyait pas les taches…… ou presque pas.

On n’a même pas dormi, sauf Léa, bien sûr, qui avec sa poupée Charlotte, dormait, allongée, sur mes genoux et ceux de Dan et d’Elsa, tout à son aise. La petite Sarah était restée très sage : elle regardait les images de la Haggadah avec attention et tournait les pages dans tous les sens ; mais comme c’était écrit en français et en hébreu, ça n’avait pas d’importance.

On s’est même fait des copains. Derrière nous, il y avait les cousins de Jonathan et Myriam qui sont dans mon ancienne école. Alors, on a fait connaissance et ils ont joué avec nous. 
L’hôtesse nous a un peu grondés et nous a dit qu’à force d’escalader les sièges, on allait finir par tout casser.
Judith, juste pour rigoler, lui a répondu qu’on s’exerçait parce qu’on allait bientôt escalader le Mont Sinaï, mais ça n’a pas fait rire la dame.  Comme on ne voulait pas que l’avion tombe à cause de nous, on a arrêté.

On est arrivé à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv. Tout le monde parlait bien sûr en hébreu. Nous, on n’avait pas de problème ; on a su dire chalom (bonjour) , toda (merci), bevacacha (s’il vous plait), qu’on voulait de la glida (glace), qu’on garim be (habitait) Paris, qu’on avait hamech (cinq), chech (six) cheva (sept), chmoné (huit), techa (neuf) ans,  esser (dix) ans, qu’on s’appelait par notre prénom etc etc etc…, notre maitre  Shlomo aurait été fier de nous. 

Nos valises sont arrivées, les unes après les autres ; c’était un peu long. Tante Ilana s’est trompée de valise et vite Oncle David, en lisant l’étiquette, a bien vu que ce n’était pas notre nom et l’a relancée sur le tapis qui tournait. Mais avec toutes ces valises noires qui se ressemblent, ce n’est pas étonnant. Moi, j’avais mis un petit ruban rose à la mienne et je l’ai vite reconnue.
Il a aussi fallu rattraper Dan et Judith qui, pour aller plus vite, étaient bien sûr montés sur le tapis roulant  pour attraper leur sac à dos.

Au-delà des barrières, tous nos cousins israéliens nous attendaient.
On s’est tous embrassés. Tout le monde a dit, comme d’habitude, qu’on avait grandi. Les grandes personnes disent toujours ça, à chaque fois,  ce qui n’est pas  très original…..
Enfin, peut être que c’est pour dire quelque chose !
En tout cas, moi, j’ai bien vu que le cousin Elon, il avait un peu de moustache mais il n’était toujours pas plus grand que moi, ce qui était le plus important. Quel crâneur, mon cousin d’Israël !

J’avais surtout hâte de monter dans les jeeps et franchement, on n’a pas été déçus. Cinq grosses Land Rover nous attendaient. Les parents ont chargé les bagages. On était tous si fatigués qu’on ne s’est même pas disputés pour dire à côté de qui on voulait s’asseoir.

On a tous obéi et Grand-Mère a dit que c’était le premier miracle et que Moïse devait y être pour quelque chose !

 

 

 

 

 

Chapitre 3
L’arrivée dans le désert du Sinaï

On a du beaucoup rouler et quand on s’est réveillés, il faisait grand soleil.
Au loin, on ne voyait que des vallées de sable avec des canyons  rocheux, comme des grottes de pierre rose et grise dans les westerns.   
Plus à gauche, de grandes  tentes noires faisaient des taches sombres dans la lumière du matin. Autour de ces tentes, des chameaux trottaient tranquillement à la recherche de maigres touffes d’herbes qu’on apercevait sous les pierres.
Nos jeeps laissaient derrière elles des traces creuses mais aucune ne repassait dans les traces de celle qui la précédait. C’était le conseil donné à nos parents sous peine de rester embourbés dans les ornières du sable, devenues alors trop profondes. 
De toute façon, avec les nuages de sable que les voitures soulevaient, mieux valait ne pas être derrière.

Au loin, s’élevait une grande montagne.
Ca alors, on était déjà en Egypte ?

  1. Mais quand avons nous franchi la frontière ? demanda Elsa qui était à côté de moi.
  2. Vous dormiez tous si bien, répondit Grand-père, que nous n’avons pas voulu vous réveiller.

-   Mais si on est en Egypte, on devrait voir les pyramides ? Continua Dan,  qui avait fait un exposé en classe sur Ramsès et en connaissait un bout sur le sujet.
Grand-père expliqua que les Pyramides étaient dans la vallée des Rois, non loin du Nil et que ce n’était pas du tout là où nous nous trouvions.

Alors, nous vîmes s’élever devant nous, majestueux, le Mont Sinaï.

Nous sommes vite tous descendus de voiture, intimidés  par ce sommet qui s’élançait vers le ciel.
Nous savions que Moïse en était revenu en portant les Tables de la loi et qu’il les avait d’abord brisées  en voyant le veau d’or que les Hébreux, impatients, avaient fabriqué.

Seules, Eve et Sarah semblaient indifférentes au lieu, en  buvant leur biberon de lait sucré qu’elles tenaient d’une main, pendant que de l’autre, elles suivaient une petite fourmi qui courait dans le sable chaud.

Le soleil était haut dans le ciel. Une vraie fournaise. On n’allait quand même pas rester plantés là, à regarder le Mont Sinaï. A l’horizon, pas d’eau.
Mais comment avaient donc fait les Hébreux quand ils avaient soif ?
La manne, d’accord, elle pouvait tomber du ciel mais l’eau … je ne voyais aucune source, aucune rivière, rien.

Grand-Père était descendu de la jeep avec une carte géographique et tous les parents discutaient. Nous, on s’était tous assis dans le sable en buvant l’eau fraîche des gourdes que nos mamans, toujours formidables, nous avaient préparées.
- Et n’en perdez pas une goutte, nous dit la tante Karine. Ici l’eau est rare et il ne faut pas la gaspiller.

Chacun devint grave et on se passa la gourde en faisant très attention.
-Si on jouait aux Hébreux qui attendent que Moïse redescende de la montagne, suggéra Dan.
-Non, décréta, Noémie. On n’est même pas encore sortis d’Egypte, on ne peut pas être déjà dans le désert ! On n’a qu’à jouer aux dix plaies : toi, Dan, tu seras le pharaon et toi Simon, tu seras Moïse.

- Mais, tu vois bien qu’on y est dans le désert ! Ca veut dire qu’on est déjà sortis, répliqua Judith, qui ajouta qu’elle ne voulait pas jouer aux dix plaies parce que c’était trop triste et qu’elle ne voulait pas jouer à tuer des bébés.
- Moi, non plus, dit Hannah, je ne veux pas jouer aux dix plaies car ça porte malheur et je ne veux pas que des sauterelles  viennent…

A ce moment, nous fûmes obligés de remonter en voiture et la discussion cessa.
Nous roulâmes encore longtemps puis, enfin,  ce fut l’arrêt.
- On est arrivé ? demanda Hannah.
- On est arrivé, répondit l’Oncle Ben, tout le monde descend.

On  était en plein désert mais il y avait pourtant quelques rares eucalyptus,  deux palmiers dattiers avec des grappes de dattes vertes tout en haut et  un arbre dont les fleurs ressemblaient à du mimosa.
Devant nous, une grande tente noire aux bords  relevés et, au loin, plusieurs tentes noires.
-C’est ici que nous allons rester, nous dit Grand-père. Enlevez vos chaussures et entrez pieds nus.

Une vraie merveille. Nous étions dans une immense tente avec des tapis épais de couleur. Dans les coins, des tapis plus épais et des couvertures de fourrure. Des hamacs suspendus pour ranger nos affaires. Au centre, au dessus de nous, comme dans un grand Tepee, un trou à travers lequel on apercevait le ciel.
Nous  décidâmes de visiter la tente car il y avait plein de recoins mystérieux.

  1. On pourrait jouer à cache-cache, proposa Dan.

Mais nos parents nous appelèrent. Ce serait pour plus tard. Nous ne voyions aucun lit. Où donc allions nous dormir ?
- Par terre, expliqua l’Oncle David, comme les Hébreux, quand ils sortirent d’Egypte. Vous ne pensez quand même pas qu’ils avaient emporté des lits, des armoires, des canapés ?
En fait, nous ne nous étions jamais posé la question mais à bien y réfléchir, évidemment, ils n’auraient jamais pu transporter tout cela à pied ni traverser la Mer rouge.

  • Et où on mange, demanda Simon ?
  • Le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner, dehors, répondit l’Oncle David. Et on dort dedans, là-bas.

Et il nous indiqua de la main une natte de corde qui râpait un peu nos pieds nus, recouverte de tapis de couleur.

  • Mais on ne peut pas fermer la porte puisqu’il n’y a pas de porte, fit remarquer Elsa. Et si un voleur voulait entrer, on ne pourrait pas l’en empêcher ?
  • Arrête de nous faire peur, dit Hanna. Dans le désert, il n’y a pas de voleurs. Regardez, dit-elle en nous emmenant dehors, vous voyez bien, nous sommes tout seuls.

Et, en effet, sauf les quelques tentes noires que je voyais au loin, nous étions bien tout seuls dans ce paysage lunaire. Pourtant, nous rentrâmes très vite dans la tente. Car, on n’était pas très rassurés. Hannah et Judith me donnaient la main.
Seul Dan disait qu’il n’y avait rien à craindre car du haut du ciel, Moïse veillait sur nous !

Nous étions fatigués et n’avions pas très faim sauf Simon, Eve, Sarah et Léa. On avala les sandwichs qui restaient.  Des pyjamas chauds nous attendaient et, après un petit tour dans une petite tente, dehors, on rentra à nouveau dans notre grande tente ; on se glissa sous des peaux de fourrures qui sentaient la biquette ; mais on était tellement contents d’être tous ensemble que personne ne grogna.

Tout le monde, comme d’habitude voulait dormir à côté de moi. Alors la Tante Ilana inventa un lit fait comme les rayons d’une roue. Chacun touchait les pieds du voisin et semblait content.
Soudain une sorte de hennissement nous fit sursauter.  C’était un chameau qui passait la tête à l’intérieur de la porte de la tente.

  • Arrière, dit doucement l’Oncle Ben. On n’entre part sans dire le mot magique.

Le chameau poussa un drôle de grognement mais ce n’était manifestement pas ce que l’Oncle Ben attendait ; il se leva alors pour lui dire de revenir demain matin nous emmener faire un tour.

  • Et c’est quoi le mot magique ? interrogea Noémie.
  • A vous de l’inventer, répondit-il.
  • Ce sera notre nom de tribu, décrétai-je en faisant asseoir tous les cousins autour de moi.

Chacun proposa un nom : des noms de fleurs, d’animaux,  de couleur… tout y passa mais personne n’était d’accord. Finalement, ce fut la petite Eve qui le trouva : chaque fois qu’on proposait un nom, elle répondait toujours « Dakô ».
Nous décidâmes alors que notre tribu porterait ce beau nom : « DaKor. »
Les parents et Grand-père trouvèrent que c’était vraiment un beau nom et Grand-mère nous souhaita qu’il nous inspire pendant toutes ces vacances.

On le lui promit. « Dakor »  nous étions, « d’accord », nous resterions !
Et c’était déjà, le second miracle !

 

 

 

Chapitre 4
La découverte du désert

Le soleil était déjà levé et une lumière chaude entrait par les pans  de la tente entrouverte.
-Debout, les paresseux, cria Grand-Mère qui, dehors,  avait allumé un feu et faisait chauffer de l’eau pour le café. Tiens, Yaël, va donc les réveiller.
On sortit tous en pyjama, sans mettre nos sandales ni nos chaussons.
De toute façon Simon, Dan, Hannah et Sarah étaient toujours pieds nus et ça ne les changeait donc pas beaucoup.
- Non,  leur dit maman, cette fois, il faut que tous, vous mettiez vos sandales car dans le désert, il peut y avoir des scorpions.
- Et ça fait mal Delphine?  Demanda Simon, en rentrant dans la tente pour voir s’il n’y avait pas une épée qui trainait pour pourfendre le premier scorpion qui se présenterait…..
- Si on les laisse tranquille, ils ne vous feront rien, nous rassura l’Oncle Ben.

Mais c’est toujours pareil ; comme ma maman est pédiatre, elle a toujours peur qu’il nous arrive quelque chose de grave. Je suis sûre, de toute façon, qu’elle a emporté toute une trousse de médicaments.
- Moi, je n’ai pas envie d’être piquée et je vais les mettre, intervint Elsa qui se souvenait avoir lu l’histoire d’une affreuse sorcière qui fabriquait du poison avec une soupe de scorpion et d’orties.

Pendant que nous allions tous essayer de retrouver nos sandales éparpillées sous les matelas de la tente, Grand-mère, les Tantes Ilana et Karine avaient posé par terre des bols, des céréales, des raisins sucrés et des dattes fraîches et on s’est régalés.

Les petites Sarah, Léa et Eve ont bu leur biberon de lait : elles étaient tout ébouriffées, les yeux  petits et ensommeillés, blotties l’une contre l’autre.
Et, comme d’habitude, Grand-père s’est précipité pour faire une photo. On a bien ri mais c’est vrai qu’en les regardant, on avait envie d’en garder le souvenir.

- Regardez, s’écria soudain Dan, le chameau d’hier soir !
Tout le monde se retourna et, oh ! La bonne surprise !  Se dandinant nonchalamment, venaient vers nous non pas un mais trois chameaux !
Derrière eux, il y avait un  garçon, à peine plus grand que moi.
Il s’avança et nous demanda,  en faisant de grands gestes, si nous voulions faire un tour en chameau.
- Il faut d’abord aller vous habiller, ordonna Grand-Mère et porter vos bols sales et vos cuillères  près du puits, là bas.
Je savais bien qu’elle avait raison mais parfois, elle est trop sévère, Grand-Mère,  et on n’a pas envie d’obéir.
- Dépêchons, vite, cria Simon qui ne tenait plus en place.

Jamais, on ne s’était lavé aussi vite.
Où donc nous sommes-nous lavés, vous demandez vous ?
Tout simplement, près du puits. Il y avait là des seaux de bois  que l’oncle David remontait, remplis d’eau froide, très froide,  et dont il nous aspergeait, T-shirt, shorts et pantalons compris.  Personne ne discuta, même pas moi qui d’habitude trouvais que mon T-shirt me serrait ou que mon pantalon me grattait !
-Bon, on est prêts ! On y va ? demanda Judith.

En fait, sauf Sarah, Eve et Léa qui avaient peur, nous sommes tous montés à plusieurs sur les chameaux, en nous tenant par la taille. Le kif !
Le plus drôle, c’était quand le chameau se baissait pour que nous puissions monter et quand il s’agenouillait, quand on a voulu descendre.  Quelle partie de rigolade avec Simon et Dan qui se croyaient dans un western et poussaient des cris d’Indiens. C’était leur chameau qui allait le plus vite et ils étaient enchantés. Celui de Noémie et d’Elsa avançait tranquillement mais on voyait bien que Noémie était une cavalière expérimentée car il allait exactement là où elle lui disait d’aller.

Le soleil commençait à chauffer  très fort et on nous ordonna de mettre des chapeaux. Chacun, petits et grands, nous avons mis des chapeaux et des casquettes. Simon avait un chapeau  qui lui donnait plus l’air d’un cow-boy que d’un Hébreu sorti d’Égypte mais il avait refusé de s’entourer la tête, comme nous, d’une sorte de turban blanc, pourtant seyant, et qui protégeait bien mieux. On avait tous mis nos lunettes  de soleil ; Léa était bien rigolote : on aurait dit une star !

On est tous arrivés jusqu’à de grandes tentes noires et, là, un grand monsieur nous a salués ; il portait une ample robe blanche et avait une barbe blanche, très longue. Une dame était assise par terre, à côté ; elle portait une longue robe noire pleine de broderies très colorées sur la poitrine et avait la tête entourée d’un foulard aux mêmes couleurs. A sa suite, sortirent plein d’enfants qui nous proposèrent une partie de course mais il fallait être pieds nus. On ne comprenait rien de ce qu’ils nous disaient et eux non plus ne comprenaient pas ce que nous leur disions.

  • Ce sont des Bédouins, expliqua l’Oncle Ben. Ils vivent toujours sous la tente et jamais dans des maisons en dur.
  • Ils sont toujours dans des tentes et ils campent toujours à d’autres endroits, ajouta Dan qui sait toujours beaucoup de choses.
  • Oui, répondit l’Oncle Ben ; ils amènent avec eux leurs troupeaux là où il y a de l’herbe et de l’eau. Et quand il n’y a plus d’herbe, ils s’en vont.
  • Mais alors, les enfants ne vont pas à l’école ? demanda Judith, toute joyeuse à l’idée d’une vie sans maîtresse, devoirs ni punitions.
  • Non, ils ne vont pas à l’école ; et ce sont leurs parents qui leur enseignent ce qu’ils doivent savoir, ajouta la Tante Karine.
  • C‘est chouette ! Moi, j’aime bien quand tu m’apprends à dessiner, lui répondit Simon en allant se câliner dans ses  bras.
  • Moi, je n’aime pas quand maman me fait réciter mes leçons, commenta Hannah en s’adressant à Judith.
  • Moi, c’est pareil que toi, lui répondit Judith.

Pendant ce temps, l’Oncle Ben avait tracé des buts dans le sable ; nous, on avait tous enlevé nos sandales. Simon, Noémie, Hannah, Dan et Judith ont commencé à jouer au ballon avec les enfants des Bédouins, tandis qu’Elsa, Eve, Léa, Sarah et moi, nous nous sommes  assises pour les regarder jouer. La partie était endiablée. Des cris, des chocs, des buts, des rires : le sable ralentissait la course mais amortissait les chutes.

 

Au bout de quelque temps, épuisés, tous s’arrêtèrent et de l’une des tentes, sortit la dame à la longue robe noire brodée. Elle portait une cruche d’eau très fraîche et passant auprès de chacun d’entre nous, et d’abord des joueurs, elle  versa de cette eau très fraîche, qui coulait comme une fontaine, directement dans les gosiers.
Alors Grand-mère, à son tour,  revint, elle aussi de notre tente, avec un panier chargé de fruits qu’elle distribua à chacun. Un vrai régal.

Le plus grand des garçons des Bédouins invita alors Dan à entrer dans sa tente pour lui montrer  une petite cage dans laquelle il avait enfermé un scorpion.
Dan n’était pas très rassuré mais il n’en montra rien et invita son nouveau copain dans notre tente pour lui montrer la fusée qu’il avait apportée de Paris.  Il lui montra comment il fallait pomper fort pour que l’air y pénètre et soudain, Pschitt, la fusée se propulsa haut dans le ciel et retomba un peu plus loin.

  • Moi, c’est Dan, dit mon cousin à son nouveau copain et il lui montra  huit doigts en se frappant la poitrine, pour signifier qu’il avait huit ans.
  • Moi,  c’est Ali, lui répondit ce dernier qui avait tout compris et lui montrait dix doigts.

 

A ce moment,  Grand-père  vint nous chercher pour faire une ballade. On prit congé. Dan fit cadeau à son nouveau copain de sa fusée et il reçut en échange le scorpion enfermé dans sa petite cage. 

- On va maintenant marcher jusqu’au fond d’un ancien cratère  voisin où il y a, parait-il, des fossiles, annonça Grand-Père qui adore les cailloux et les fossiles.

Toute la troupe était là au grand complet, sauf les trois grenouilles, Sarah, Eve et Léa (avec sa poupée Charlotte), qui jouaient à la maman et à la grande sœur  en se tenant par la main et en cueillant de petites touffes d’herbes pour faire de la salade. Heureusement que la Tante Ilana avait emporté la dînette !

Alors, nous, on a laissé les petites avec maman et Grand-mère et nous sommes partis à la chasse aux fossiles, nos gourdes pleines d’eau, nos sacs à dos pleins de sandwiches et de friandises.

Et c’est là que les choses ont commencé à se compliquer.

 

 

Chapitre 5
A la recherche des fossiles

Nous avons commencé à marcher d’un bon pas, en suivant la Tante Karine,  l’Oncle Ben, Grand-père et l’Oncle David qui marchaient devant en regardant la carte.

  • Ce n’est pas loin, nous avaient-ils dit, pour nous encourager.

Judith et Hannah marchaient juste derrière et bavardaient tellement qu’elles étaient déjà à la traîne.
Elsa et Noémie suivaient les garçons.
Moi, je marchais avec la tante Ilana avec qui je discutais. J’aime bien discuter avec elle car elle me parle comme à une grande et je trouve ça plus normal. C’est  vrai, quoi, comme je suis l’aînée des cousins,  pour eux, je suis le chef, mais pour les parents, je suis aussi petite que les autres et ce n’est pas juste.

- C’est encore loin, commença Simon qui s’était assis sur le sable et ne voulait plus bouger, sauf si on lui donnait un petit biscuit ! Sinon, il fallait que son père le porte.
- Non, je ne te porterai pas sur mes épaules, lui dit son papa, mon Oncle Ben. Si tu ne peux pas marcher, alors je te ramène chez Grand-mère avec les petites.
- Mais Oncle Ben, les papas, ils portaient les enfants dans le désert quand ils sont partis avec Moïse, lui répondit Judith, avec aplomb. T’as qu’à porter Simon !
- Personne ne porte personne, ai-je alors expliqué à Simon et à Judith. On a à peine marché dix minutes et vous êtes déjà fatigués ? Hé bien, heureusement que vous n’êtes pas partis avec Moïse car à l’époque le Pharaon vous aurait rattrapés avec son armée et vous ne seriez jamais arrivés jusqu’à la Mer rouge ! Allez, Simon, debout !
- Bravo, Yaël,  me félicita ma tante Karine qui, avec autorité, avait ordonné à Simon de bouger ses fesses.

 

Pauvre Simon. Il s’était remis sur ses pieds et, plein de ressentiment envers Moïse qui avait fait marcher tout le monde à pied, même les petits, il grognait en disant que c’était nul, mais vraiment nul et qu’il aurait mieux fait de rester chez son Papi,  sa Mamie et sa Tati Laurence à Neuilly.

Mais soudain, on a vu arriver trois chameaux qui avançaient tranquillement, sans personne avec eux. Ce devait être des chameaux sauvages.   En tout cas, c’est ce qu’on pensait et on les a laissé passer. 

A ce moment, on a aperçu le cratère : une sorte d’énorme trou creusé dans la terre avec des roches et de la terre de couleurs différentes : rouge, ocre, noire, vert foncé.  Une sorte de sentier descendait jusqu’en bas qui serpentait des parois vers le centre.

- On y est, a expliqué Grand-père, en montrant la carte. Nous sommes au point « AlwatAdin ». Vous allez descendre sans courir. Vous allez regarder à vos pieds les cailloux et les pierres et vous allez ramasser celles qui brillent. Vous observerez la roche pour voir s’il n’y pas de petits dessins de feuilles, de fleurs ou de coquillages, car il y a des millions d’années, la mer était là : et si vous regardez bien, vous devriez peut-être en trouver trace.

C’était difficile d’imaginer la mer mais puisqu’il y avait tant de sable, c’était bien qu’il y avait eu la mer.

En tout cas, on a tous commencé à descendre et, bien sûr, tous les enfants se sont mis à courir pour arriver en bas ; sauf Elsa et Noémie qui scrutaient le sol et examinaient tous les cailloux qu’elles trouvaient.
Alors, on a fait des petits tas. C’était trop bien. On a mis les pierres qui avaient les mêmes couleurs ensemble.
Grand-père avait son livre et trouvaient leurs noms exacts.
De toute façon, il connaît ça par cœur, mon grand-père, car c’est un savant ; il est passionné de minéraux et de fossiles et pour nos anniversaires, il nous en achète parfois.

  • J’espère qu’on va trouver des ammonites pour ma collection, dit Dan.
  • Ou des géodes avec du quartz, dit Noémie qui se souvenait de son exposé en classe.

Nous étions tous très occupés à gratter avec nos cailloux les parois du cratère pour essayer de détacher des morceaux dans l’espoir de trouver des fossiles ; mais, pour l’instant, mis à part les pierres qui avaient parfois des éclats et des inclusions de couleurs, la pêche était maigre et nous commencions à nous impatienter.

Hannah et Judith ne cherchaient plus et jouaient à la marchande avec les cailloux. Dan et Simon escaladaient le long des parois du cratère. Les tantes Karine et Ilana discutaient allongées. Seuls, Oncles Ben, David et Grand-père, Noémie et Elsa  frappaient les parois de certaines roches pour en détacher des parties.

J’étais alors remontée tout en haut du cratère car je voulais prendre une photo de toute la tribu DaKor et la rapporter à mon professeur de géographie. Mais Tante Ilana avait bougé et elle n’était plus dans le champ de l’objectif. Alors je suis montée encore plus haut pour trouver le meilleur angle car je voulais vraiment avoir toute la famille, même s’ils devaient être très petits. Malheureusement,   j’ai glissé sur une grosse pierre et je me suis mise à dévaler toute la pente, cherchant désespérément, comme dans les films, à me raccrocher à quelque chose. En vain. Je roulai jusqu’en bas, entraînant dans ma chute un éboulis de petites et grosses pierres.

- Rien de cassé, Yaël ? Me demanda la Tante Karine qui, inquiète, courait vers moi avec tout le reste de la famille.
Je lui répondis que ça allait, à part mon coude droit qui saignait un peu, et mon genou gauche qui commençait à devenir tout bleu.
- Attention, cria soudain Grand-père, poussez vous, il y a un très gros rocher qui dévale du haut du cratère.

Et, en effet, toutes les petites pierres qui avaient roulé avec moi avaient soulevé des racines qui tenaient les roches entre elles et du coup, certaines, à présent cédaient. Nous nous étions tous mis à l’abri dans un recoin du cratère, dans une sorte de petite grotte.  Encore heureux, car ce fut une pluie de pierres qui  se déversa jusqu’au fond du cratère dans un bruit terrible, faisant fuir des nuées de lézards et, ma fois aussi, des familles entières de scorpions qui avaient trouvé refuge sous les pierres chaudes.
Quelle frayeur !

  • Regardez, dit Hannah, en montrant subitement du doigt l’éboulis de pierres, il y a quelque chose qui brille.
  • J’y vais, dirent en cœur Judith et Dan, en bondissant.

Et avant qu’on ait eu le temps de les en empêcher, ils avaient tous les deux bondi pour aller voir de près ce qui brillait au loin.
Vous ne me croyez pas peut être ? Hé bien si !! Ils avaient trouvé….un fossile ? Pas du tout.
Ils sont revenus en portant ……..une sorte de collier bizarre.

  • Qu’est ce que c’est que ce…. ..
  • C’est un collier d’or avec des pierres turquoise, interrompit  la Tante Ilana qui l’avait pris délicatement et le grattait pour enlever la terre qui s’était incrustée entre les rangs.
  • Regardez, il y a des inscriptions dessus mais elles sont en hébreu et avec des hiéroglyphes. C’est bizarre, dit Grand-père qui avait mis ses petites lunettes, je n’arrive pas à lire.
  • Moi, je sais, dit Noémie qui nous bassinait à cause de son exposé : ces deux  petits traits horizontaux avec un chapeau au-dessus, ça veut dire  « maison ».
  • Et ce truc qui est tordu, demanda Dan ?
  • Ce n’est pas un truc, c’est un serpent ! déclara toute fière Elsa. Je me souviens, c’est ce que portait la déesse  Isis sur la tête.

Je pensais intérieurement que tout le monde disait n’importe quoi mais le fait était là, on a avait bien trouvé un vieux collier et je me demandai à qui il avait bien pu appartenir.

  • En tout cas, ce collier est magnifique ; je me demande bien qui l’a perdu ? ajouta l’oncle David. Peut être une voyageuse qui visitait le Sinaï comme nous.
  • Tu veux dire une touriste ? Ca m’étonnerait, intervint la Tante Karine. On ne se ballade pas avec un tel collier quand on fait du tourisme et puis il a vraiment l’air ancien.

 

Grand-père fut d’avis qu’on bavardait inutilement et qu’il valait mieux rentrer. On le montrerait à un spécialiste qui nous expliquerait  certainement son origine.
On était tous stupéfaits  mais enchantés de notre trouvaille…. Bien plus intéressante, pour moi que le plus beau fossile. Je ne croyais pas si bien dire.
- En tout cas, c’est grâce à Yaël, qu’on l’a trouvé, car si elle ne s’était pas cassé la gu…..
- Sois poli, Dan, gronda l’Oncle Ben.
-Bon, bon, ce n’est pas le moment de faire de la politesse, dit Grand-père qui avait bien raison. On ne va pas commencer. On arrête nos recherches de fossiles et on rentre  à la maison.
- C’n’est pas une maison, c’est un tente, corrigea Simon.
- C’est pareil, idiot, dit Hannah énervée qu’on ne lui reconnaisse pas une partie de la découverte. Et c’est qui qui a vu quelque chose qui brillait ? demanda-t-elle en pleurant. C’est pas moi, peut être ?  Ce n’est pas juste.
- Oui, mais c’est Judith et moi qui sommes allés la chercher, cria Dan. Tu nous gonfles.

L’oncle David mit tout le monde d’accord : « si Grand-Mère n’avait pas eu l’idée de venir faire le Seder en Israël, si Grand-père n’avait pas suggéré d’aller chercher des fossiles, si Yaël n’avait pas décidé de faire une photo, si Ilana ne s’était pas éloignée  et que Yaël n’ait pas bougé pour qu’elle soit aussi sur la photo, si..  »

  • Dayénou, cria alors en riant Elsa, Dayénou, c’est comme dans la Haggadah…………
  • Et on se mit tous à chanter « Dayénou, dayénou, dayénou… ». C’était vraiment super.

Tante Karine m’avait bandé mon genou et mis un pansement sur le coude. Mais, à la vérité, j’étais tellement excitée que je ne sentais presque rien. Je clopinais un peu mais sans gravité.

  • Allez, en route, tout le monde, dit Grand-père, tandis que chacun ramassait ses petites pierres et les mettait, dans son sac à dos qui du coup était devenu un peu lourd.

Mais personne ne râlait car notre découverte rendait notre pas alerte.
- Peut-être qu’en cassant nos pierres, il y aura quand même des fossiles dedans, dit à  voix basse Noémie à Elsa.
Tante Ilana avait enveloppé le collier dans son foulard et l’avait mis dans son sac à dos. Nous avons tous bu beaucoup d’eau de notre gourde qui était  encore fraîche et sommes rentrés, impatients de tout raconter à Maman et à Grand-Mère.Tous les enfants couraient devant tandis que boitillant un peu, j’avançai, entourée de mes deux tantes, Ilana et Karine, qui étaient aussi excitées que nous-même, les enfants de la tribu des DaKor.
Quel était donc le secret de ce collier ?

 

 

Chapitre 6
Le mystère du collier

A peine étions nous arrivés que nous nous sommes précipités pour annoncer à Maman et à grand-mère que nous avions trouvé un trésor.
Maman ne nous croyait pas jusqu’à ce qu’on lui montre le collier. Elle était stupéfaite. Comme elle adore les bijoux, elle a voulu l’essayer mais Grand-Mère a dit qu’il fallait d’abord le nettoyer avec un chiffon doux imbibé de Channel, et il s’est vraiment mis à briller magnifiquement ; on a vu alors que quelques perles turquoise manquaient ; mais il était quant même superbe et on voyait mieux les lettres et les dessins sans qu’on puisse néanmoins les déchiffrer.

Alors, on a vite branché internet pour en savoir un peu plus. On était impatient de savoir à quelle époque il avait été fabriqué.
Oncle Ben, le spécialiste, a tapé sur Google, les mots « Egypte, antiquité, collier ». On a vu plein de photos avec des colliers d’or, d’argent, avec des scarabées, avec des serpents qui avaient un œil d’émeraude, avec des rangs de perle ou de saphirs et même avec du cuivre rouge qui se mêlait à l’or jaune.
Mais aucun ne ressemblait au nôtre.
Alors, on est allé regarder sur le site des trésors du Musée archéologique du Caire en Egypte: rien.
Puis sur celui du British Museum de Londres, toujours rien.  Rien.
Rien ne ressemblait de prés ou de loin à notre collier.
- On n’a qu’à taper « trésor du Louvre », proposa  Elsa. Je me souviens quand Grand-père m’a emmenée au Louvre, on a vu beaucoup de bijoux !

Mais on eut beau ouvrir un nombre incalculable de sites web, aucun  n’avait un collier comme celui que nous avions trouvé.

  • Bon, écoutez les enfants et les petits enfants, proposa Grand-père ; j’ai un ami qui est un très grand archéologue au musée de Jérusalem, je suis sûr qu’il va nous aider. David,  dit-il, en s’adressant à l’oncle David, dessine le collier et on va l’envoyer par mail à Yossi.
  • J’ai une meilleure idée, ai-je dit : je vais le photographier et tu vas l’envoyer par internet.
  • Bonne idée, Yaël, m’avait répondu Grand-Père.

Une fois la photo prise et envoyée, et pendant que nous attendions la réponse du fameux Yossi, nous avons avalé les galettes de blé, les « Pitot » que Grand-Mère avait préparées et qu’elle avait fourrées de boulettes de fallafel, de petits dés de tomates et de concombres. Un vrai délice. Nous avons bu une sorte de yaourt liquide très frais et, comme dessert,  nous avons tous croqué des kakis rouges et sucrés savoureux. Léa n’aimait pas ça et les donnait à Simon qui se régalait. Eve était barbouillée de kakis et Sarah en avait écrasé un petit, sous ses fesses.

Dan était collé à l’écran avec Elsa dans l’attente de la réponse qui tardait à venir.

  • Peut être qu’il n’est pas là ton Yossi, ai-je dit alors à Grand Père. Tu ne veux pas l’appeler pour voir ?
  • Tu as raison, m’a répondu Grand-père, je vais l’appeler tout de suite.

Quelques instants plus tard, nous avons su que Grand-père avait tout expliqué à son copain Yossi et que celui-ci, très intrigué par notre découverte, allait chercher d’où ce collier pouvait bien provenir.

Pendant que les petites étaient allées faire la sieste dans un coin de la tente en serrant leur doudou, un biberon à la bouche,  nous sept, on s’est alors mis à  jouer au jeu des sept familles, dans un coin de la tente car dehors, le soleil était trop chaud.  On a eu le temps de faire deux parties et chaque fois qu’elles perdaient, Noémie et Hannah boudaient.  C’était énervant à la fin. Mimi ? Elle boude pour un oui ou un non, et ça m’énerve ? Parce qu’à côté de ça, c’est ma sœur et je n’aime pas quand on l’embête !

Dan était juste en train de me demander une carte dans la famille des sportifs -  la mère cycliste-  lorsqu’on a entendu cette petite clochette caractéristique qui signale l’arrivée d’un message.

On s’est tous précipités ; c’était Yossi qui répondait que c’était un vrai mystère car le collier semblait provenir du vingtième siècle avant J.C. à cause de la forme très spéciale de la fermeture du collier ; et il ajoutait qu’il n’en avait jamais vu de semblable auparavant.

Il venait probablement de l’époque du Pharaon Ramsès II car on avait retrouvé sur des bas reliefs qui ornaient la tombe de Ramsès  sous la pyramide de Kéops, la déesse Isis qui portait un collier très semblable.

Le seul problème c’est que les colliers qu’il connaissait ne portaient jamais ces inscriptions. Les hiéroglyphes qu’il devinait à peine, car les dessins étaient très abimés, semblaient être un prénom féminin:


Ensémekhtouès

N35

S29

G17

Aa1
D35

X1

G43

O34

B1

N-smḫ(w)=tw=s

 

Littéralement : elle ne sera pas oubliée

Quant aux inscriptions en lettres étranges qui ressemblaient vaguement à de l’araméen, Yossi avait déchiffré juste quelques lettres  qui semblait dire : « BatTalia », fille de Talia.

Alors, nous, les cousins, nous avons tous été d’accord : ce collier devait avoir appartenu à une dame qui s’appelait Ensémekhtouès, qui était égyptienne mais qui était, en vérité, la fille de Talia, une fille d’Israël !

- Oui, mais pourquoi ne porte-t-elle pas alors un prénom hébraïque  mais un prénom égyptien? a demandé Hanna.
- Parce que qu’elle était peut-être l’esclave d’une dame égyptienne  qui lui  avait donné un prénom égyptien, ai-je suggéré.
- En tout cas, il fallait arriver à dire tout son nom et qu’est-ce que c’est long !! a dit Simon, en s’appliquant «  En-sé-mekh-tou-ès ».
- Mais peut être qu’elle avait un autre petit nom ? a suggéré Judith
- Peut être que c’était Toutou ? a dit Simon.
- Ou Mektou, c’est mieux, a proposé Elsa.
- Ou Ensé, a dit Dan.
Et on s’est tous mis à rire, sauf Elsa qui n’y croyait pas et réflechissait.
- Moi, dit-elle, je crois qu’elle n’était pas une esclave car une esclave n’a pas de si beaux colliers. Je crois que sa maman égyptienne n’avait que des garçons et pas de fille et qu’elle avait donc pris la fille d’une esclave hébreu, voilà tout !
- Mais qu’est-ce qu’elle faisait si loin, dans le désert, Mektou ? demanda Noémie.
-Mektou s’est enfuie parce que c’était une esclave et qu’on la battait et elle s’est perdue dans le désert. On va peut-être trouver ses os si on retourne au cratère, suggéra Dan.
- Quelle horreur ! dit Judith. Moi, je pense que ce n’est pas du tout ça.
- Alors, c’est quoi ? dit  Hannah.

Alors moi, j’ai eu une idée.
- Et si elle était partie avec les Hébreux et avec Moïse ?

- Tu veux dire, Yaël, quand les Hébreux ont fui l’Egypte et qu’ils ont traversé la Mer rouge ? Me demanda Grand-Mère qui écoutait notre conversation pendant que Grand-Père était au téléphone avec Yossi.
Grand-Mère pensait que j’avais raison et Hannah aussi. Alors Hannah proposa :
- Et si Mektou n’avait pas voulu donner son collier quand les autres femmes ont donné leurs bijoux pour faire le veau d’or ?
- Ou qu’elle a voulu le cacher parce qu’il lui venait de sa maman qui était morte ?  a ajouté Judith, d’un ton dramatique.
On s’est tous regardés et on a tous hoché la tête : la tribu DaKor était perplexe mais ce qui était sûr c’est que Mekthou, comme on avait décidé de l’appeler, était soit Egyptienne soit une fille d’Israël. Le mystère du collier demeurait.

C’est alors que Grand-père nous a dit, les yeux brillants, de venir lire le message que Yossi venait d’écrire : «  je pense que ce collier date  d’entre 2000 et 2500 ans avant J. C, au moment de la sortie d’Egypte des Hébreux. Le mélange d’or et de pierres bleues, les hiéroglyphes et les lettres en araméen, la taille du collier  montrent que ce collier a dû appartenir à une très jeune fille d’une maison riche égyptienne qui devait, en fait, être une fille d’Israël ».
On a tous rigolé car ce n’était vraiment pas un scoop. Ça, on l’avait compris tout seuls ! Pas besoin d’être archéologue pour deviner ! Une fois qu’on savait déchiffrer ce que ces lettres voulaient dire, mais merci quant même, Yossi.

- Elle était super, Mektou, a dit Elsa, la plus religieuse d’entre nous. En fait, moi, je pense qu’elle n’était pas une girouette, mais qu’elle a eu confiance en  Moïse et qu’elle n’a pas voulu donner son collier pour en faire une idole.
- Peut-être, mais en attendant,  qu’est-ce que son collier faisait au fond du cratère ? demanda Judith.
-  Soit elle l’a perdu soit elle l’a peut-être caché et ensuite, elle n’a pas retrouvé sa cachette, a répondu Noémie, d’un ton assuré.

On a continué, continué, continué à deviner jusqu’à ce que Maman nous dise qu’elle pensait que nous avions raison et que c’était un vrai miracle d’avoir retrouvé les traces de Mektou,  de la sortie d’Egypte, et que c’était vraiment incroyable.
On s’est tous mis à danser en chantant à tue-tête « dayeinou ».
C’était la veille du Seder. Grand-mère nous a donné, pour la dernière fois des tartines de pain avec du Nutella, du fromage blanc et du miel d’oranger et on s’est régalés. Puis, comme c’est la coutume, pour préparer la Bdikat Hametz, on est parti à la chasse aux petits bouts de papier remplis des dernières miettes de pain que les mamans avaient cachés dans tous les recoins de la tente. On les a tous trouvés, même ceux qui étaient cachés dans le violon de l’Oncle David et sous la souris de l’ordinateur de la Tante Karine.

La nuit est arrivée très vite. Dans le désert, elle tombe brusquement et avec elle, le froid descend aussitôt.  On a enfilé nos doudounes et on est vite rentrés prendre une bonne douche chaude. Mon poignet allait mieux et mon coude aussi. On s’est couchés très tôt.  On entendait les trois petites qui babillaient mais comme on était très fatigués par toutes ces émotions et ces kilomètres, on s’est tous endormis très vite.
Je crois que j’ai beaucoup rêvé, cette nuit-là, car le matin, quand je me suis réveillée, Grand-Mère m’a dit

  • Tu es comme ta maman, Yaël, tu as parlé tout haut cette nuit. Tu as parlé de Néfertiti et de bateaux ; tu disais « à la nage, à la nage……… »

Et tous les cousins, c’était pareil, on a tous fait de très beaux rêves …….
Dan a rêvé du Buisson ardent, Elsa de la manne qui tombait en pluie drue et les autres ne se souvenaient plus mais tous, nous étions aux anges !

C’était trop beau : les ennuis allaient commencer !

 

 

Chapitre 7
Problème pour préparer le Seder !

Ce soir, c’est enfin le Seder.
La journée a mal commencé. D’abord, alors que nous nous sommes réveillés, on a entendu un grand vent dehors et la tente tremblait. L’Oncle Ben a mis son nez dehors et est vite rentré.

  • Pas de bol, il y a, je crois, ce qu’on appelle un vent de Hamsin.
  • C’est quoi, a demandé Simon.
  • C’est le vent du désert qui soulève plein de sable et qui est très chaud. Il faut faire attention aux yeux car si vous attrapez du sable, ça va vous piquer.
  • Surtout fermez bien les pans de la tente pour que le sable n’entre pas.

Nous avons décidé de jouer, de lire et de dessiner à l’intérieur de la tente, en attendant que le vent se calme et que nous puissions aller jouer dehors.

Mais si pour nous, il n’y avait pas de soucis, pour les parents, c’était une autre affaire. En effet, ils avaient prévu d’aller, ce matin-là, au marché des Bédouins pour acheter tout ce qu’il fallait pour le dîner et le plat traditionnel du Seder.
Grand-père et l’Oncle Ben qui étaient prêts les premiers sont sortis et sont revenus dans la tente très inquiets.

  • On ne va jamais pouvoir aller au marché, expliquèrent-ils. Les jeeps sont complètement ensablées.  Elles sont non seulement recouvertes de sable, ce qui fait qu’on a même eu du mal à les retrouver, mais comme on a laissé les fenêtres ouvertes, le sable s’est engouffré à l’intérieur et on ne pourra jamais ni y entrer ni démarrer.

En dehors du Seder, je me suis demandé si on allait pouvoir s’en aller d’ici mais, évidemment, je n’ai rien dit. Les parents avaient l’air assez énervés comme ça. Ce n’était pas la peine d’en rajouter. Je savais qu’on avait assez de vivres pour tenir, car j’avais vu toutes les boites de conserve, les bouteilles de lait, les pots de Nutella, de confiture, de cornichons, les matsot et les poulets qui étaient stockés au fond de la tente.

C’est à ce moment là que Dan a lancé une idée. Il a proposé d’aller avec son père, l’Oncle Ben, au camp des bédouins, là où on avait joué la veille et de voir s’ils ne nous vendraient pas ce dont nous avions besoin. Tout le monde a donné son avis. Moi, je me suis demandée pourquoi ils discutaient car il n’y avait, en fait, pas d’autre solution.

Sauf que l’affaire ne s’est pas révélée aussi simple. En effet, quand, avec Grand-Père, les Oncle David et Ben, Dan et moi, nous sommes sortis dehors avec un foulard sur la tête et sur la bouche pour nous protéger du vent de sable qui continuait de souffler, toutes les traces de la piste qui nous avaient amenés la veille jusqu’aux tentes des bédouins, avaient disparu.

  • Et on n’a pas de boussole ! M….rde ! a crié furieux grand-père. Ca sert à quoi d’avoir une carte si on n’a pas de boussole !

Evidemment, je n’ai pas osé dire qu’avec le soleil, on pouvait peut être se repérer car le ciel était blanc de sable et que le soleil avait disparu. Quant à la mousse des arbres, il n’y avait pas d’arbres !
L’Oncle Ben a alors sorti son téléphone hyper moderne qui fait téléphone, ordinateur, télé, radio. Je ne sais pas ce qu’il a dit  ou tapé, mais il est le chef des téléphones et des satellites de télécommunications à Paris, donc on peut compter sur lui ; et  il nous a rassurés.

  • J’ai tout réglé : dans cinq minutes, on va venir nous chercher.
  • Qui, « on » ? a demandé Grand-Père.
  • Vous verrez, a répondu l’oncle Ben, avec un sourire mystérieux.

Alors on est revenu, lentement, car ce n’était pas facile de marcher dans le sable, à reculons contre le vent, en clignant des yeux au maximum pour se protéger.

On était à peine sur le seuil de notre tente qu’on a entendu un drôle de bruit, dans le lointain. On distinguait des formes curieuses puis les silhouettes ont commencé à se rapprocher et on a tous éclaté de rire. Arrivaient vers nous cinq chameaux dont le premier portait  sur son dos, notre ami bédouin et son fils, le copain de Dan.
Et voilà comme on est allé au marché : à dos de chameau.

Je ne vous raconte pas comment ça secouait. L’essentiel, c’est qu’on a fait les courses en ramenant le strict nécessaire, surtout pour le Seder et les enfants.
On a tout trouvé : du persil, de  l’aneth et une espèce de gros radis pour les herbes amères, des œufs, des tomates, des petits concombres, des pommes, des noix, de la salade un peu moche mais c’était de la salade et on n’allait pas faire d’histoire.  On acheté aussi des dattes et des figues fraiches, des kakis juteux,  et Grand-père a pris une grosse pastèque ; mais on ne pouvait pas trop se charger ; il fallait prendre l’essentiel. On n’était pas chez Champion et on n’avait pas de caddie !

J’aurais bien acheté des petits bracelets de perles de couleurs pour les cousines, maman et mes tantes, mais Grand-père a dit que ce n’était pas le moment.

Avec Dan, on s’est bien amusé car dans ce marché, on vendait aussi des chèvres, des vases de terre très jolis, des tapis aux couleurs lumineuses, de grandes robes noires brodées de dessins étonnants, des petites flutes à trois trous. Dan voulait absolument qu’on achète une chèvre pour avoir du lait frais. On la trairait tous les matins et il n’y aurait plus de problème pour les petites. Sauf que le lait de chèvre avait un drôle de goût et quand Dan et moi, nous en avons bu un peu, on a changé d’avis. 
Puis on est revenu, à dos de chameau, les sacoches pleines de nos victuailles.

Le vent s’est soudain calmé. Le ciel blanc est redevenu bleu. Seules les tentes noires restaient couvertes de sable blanc, ce sable qui s’était faufilé dans les moindres recoins de nos poches, dans nos assiettes, nos bols, nos chaussures.
- C’est quand même mieux que si on avait des grenouilles ou des  sauterelles, comme au temps du pharaon, a déclaré avec aplomb  Noémie.

  • oui, mais c’est nul, a pleurniché Léa, il y a plein de sable dans mon biberon.

Maman nous a demandé de secouer toutes nos affaires et on a tout nettoyé : les assiettes, les casseroles, les verres. Tout le monde s’y est mis. La journée avançait vite. L’oncle David a rassemblé les miettes de pain qu’on avait trouvé la veille et on les a brûlées. On a dégagé les jeeps et enlevé tout le sable qui était dedans. L’oncle Ben a même pris l’aspirateur pour enlever le sable du moteur, car il y en avait plein. Grand-père est monté dans l’une des jeeps pour voir si elle allait démarrer. Bonne nouvelle, le moteur s’est mis à vrombir, Grand-Père a roulé quelques mètres en soulevant des nuages de sable puis il est revenu et nous étions tous soulagés.

Les tantes Ilana et Karine ont douché les petites pendant que maman, Grand-Mère et moi avons mis la table du Séder, dehors, comme c’était prévu. Nous avons mis une belle nappe blanche et avons disposé les assiettes et les Haggadoth dessus.

Ensuite, nous avons fait le plan de table ; ça c’est la spécialité de Judith et on a décidé qu’on ne se disputerait pas. Grand-Père a allumé deux réverbères, car le jour commençait à baisser. Le plat bleu du Seder que Grand-Mère avait apporté de Paris, était au centre, recouvert des herbes, de l’œuf, d’un os d’agneau, d’une coupelle d’eau salée, de feuilles de salade et à côté, il y avait les galettes,  comme mon amie Sharon, les appelle, les matzot, quoi.

Mais l’essentiel, c’était autre chose.
Grand-Mère, qui avait nettoyé le collier d’or orné de turquoises, l’avait placé sur la table, juste à côté de la coupe du prophète Elie.

Une à une, les étoiles s’allumaient dans le ciel et Léa  me demandait toutes les cinq minutes si on allait bientôt aussi allumer la lune et si je savais où était le bouton. De bonnes odeurs venaient de la cuisine en plein air. La soupe aux boulettes qu’on adore était prête. Les « pauvres » poulets attendaient d’être mangés.
C’est que maintenant Elsa était devenue végétarienne et elle faisait plein d’histoires car elle ne voulait pas que nous mangions des animaux.
Un énorme saladier qui débordait de tranches rouge de pastèques trônait à côté d’un plat de figues fraiches et de dattes et nous avions déjà hâte d’être au dessert. Il manquait d’ailleurs une tranche sur le côté et comme par hasard, Simon, Eve et Sarah, dont les mentons roses trahissaient la gourmandise, étaient passés non loin, l’air de rien.

Dan et Noémie ont compté les étoiles dans le ciel et quand il y en a eu trois, tout le monde a crié : « ça y est, on peut commencer ».

 

 

Chapitre 8
Enfin, le Seder

Nous avions tous mis nos plus beaux habits et ce seder sous le ciel étoilé du Sinaï s’annonçait exceptionnel.
Chacun s’est assis autour de la grande table, sans discuter, à la place que lui avait désignée Judith.
Grand-Père nous a demandé de faire silence ce qui n’était pas une mince affaire car Judith et Hanna se faisaient des grimaces et Simon et Léa essayaient d’étouffer un fou-rire.
Mais alors que nous étions tous enfin silencieux, attendant que le Grand-Père commence,  Dan s’est soudain retourné en disant :

  • Y’a quelqu’un !

On a tous dressé l’oreille et, en effet, il y avait un bruit qui venait de derrière les jeeps.

Oncle David s’est levé pour aller voir ce que c’était et il est revenu en tenant par la main une très jolie jeune fille.
Elle avait de longs cheveux noirs relevés par une drôle de barrette dorée.
Elle portait une longue tunique blanche, retenue à la taille par une corde noire et marchait dans des sandales de cuir brun.  
Grand-Mère lui a parlé mais la jeune fille ne parlait ni français, ni hébreu, ni anglais, ni arabe. Pourtant, on aurait dit qu’elle comprenait quelques mots dans ces langues.  Elle-même parlait dans une langue bizarre et bien que nous ne comprenions rien, nous avons tous compris qu’elle demandait si elle pouvait s’asseoir à notre table et manger avec nous.

  • Que quiconque a faim, vienne et mange avec nous, dit la Haggadah, a rapelé la tante Karine, donc moi, je pense que nous devons l’inviter.
  • Oui, mais on ne la connaît pas. On ne sait même pas d’où elle est arrivée, a dit Grand-Mère.
  • C’est peut être une terroriste, a dit tout bas Dan. On devrait peut être la fouiller.
  • T’es fou ou quoi, lui a répondu Noémie. Est-ce qu’elle a l’air d’une terroriste, franchement, Dan
  • On ne sait jamais. Tu ne trouves pas ça bizarre qu’elle débarque comme ça ? insistait Dan.

Les parents ont décidé qu’il fallait l’inviter à notre table sans plus de discours et comme ils étaient tous d’accord, elle s’est assise à côté de moi. Elle était silencieuse, très attentive et souriante.
Je lui ai montré ma haggadah avec les images et elle s’est mise à feuilleter les pages lentement.

La lune était haut dans le ciel étoilé et avec Grand-Père, on a commencé à lire le récit de la sortie d’Egypte, au pied du Mont Sinaï. 
Franchement, c’était fabuleux.
Nous étions là ; tous ensemble, sauf papa et j’étais un peu triste qu’il ne soit plus avec nous.  

J’ai demandé à la jeune fille son nom, en lui disant que je m’appelai Yaël et qu’à côté d’elle, était assise ma tante  Ilana.
Elle a très bien compris et, en retour, elle m’a dit son nom mais il était tellement tellement long que je n’ai pas pu le retenir. 

Nous avons alors suivi à deux le récit de la Haggada.
Grand-Père a commencé par faire la bénédiction sur le vin.
On s’est tous levés et ma voisine a fait comme nous.
Puis Grand-Père  s’est lavé les mains au dessus de la petite coupelle d’argent que Grand-mère lui a tendue. D’habitude, on va tous se laver les mains, et il a fallu rattraper Simon et Léa qui étaient déjà partis mais cette fois-ci, je ne sais pas pourquoi, il n’y a que Grand-Père qui doit accomplir ce rite.
Puis il a trempé du persil dans de l’eau salée et il nous en a donné. 

Alors, il a pris la matza du milieu des trois autres, l’a cachée dans une serviette blanche, dans sa poche droite, en nous interdisant de faire comme l’an passé et de la lui chiper, car cette fois, il n’y aurait pas de cadeau, donc ce n’était même pas la peine d’essayer.
Mais Eve, Léa et Sarah avaient été bien briefées par nous, les grands, et à peine Grand-Père avait-il mis la serviette blanche dans sa poche que Léa l’a prise ;  et Grand-père a fait comme s’il ne s’apercevait de rien.
Alors, elles sont allées la cacher sous leur couverture de fourrure, poursuivies par Simon qui était en colère de n’avoir pas participé au vol et  qui craignait, en conséquence de ne pas avoir de cadeau.

L’oncle David a alors enlevé du plat l’os d’agneau et l’œuf, car grand Père était trop loin pour le faire.

C’est à ce moment que Grand-Père m’a demandé de lire d’abord en français puis en hébreu le texte qui dit « voici le pain de misère que nos pères ont mangé en Egypte ». 

Mais quand j’ai commencé à lire lentement ce texte en hébreu, notre invitée s’est mise aussi à lire avec moi, très vite et à voix haute, le texte écrit, sans problème ; sauf qu’au début, c’était bien le texte mais qu’ensuite elle a poursuivi et on ne comprenait plus rien.

Grand-Père la regardait étrangement : Ha lahma Anya  di haklou  havatana béara  demitzrayim …..» 

Puis on a versé du vin dans nos verres et, pour la première fois, c’est Léa qui a posé les fameuses quatre questions… aidée par Simon  qui a posé les deux dernières.

On a tous chanté mais notre invitée n’a plus rien dit, comme si soudain, elle ne comprenait plus rien. Tant pis, ai-je pensé, elle devine les mots car je voyais bien qu’elle suivait très attentivement avec moi, quand on tournait les pages ensemble.

Le récit de la sortie d’Egypte s’est poursuivi ; certains lisaient en français, d’autres en hébreu, à tour de rôle, en accomplissant les rites qui étaient prescrits. Le harosset qui rappelait les briques était délicieux mais les herbes amères étaient vraiment amères.
Mais notre invitée ne voulait rien manger.

Et puis soudain, quand la tante Karine a lu le passage sur les travaux si durs que les Hébreux devaient faire et que Dan a ajouté « nous implorâmes l’Eternel, Dieu de nos pères, il entendit notre appel, il vit notre misère, notre angoisse et notre détresse », elle a fondu en larmes et s’est mise  à trembler.

Nous, on ne savait pas quoi faire. Ilana est allée lui chercher un kleenex et moi, je lui ai donné un verre d’eau et je lui ai pris la main.
Grand-Père continuait de la regarder étrangement et l’oncle David aussi.
-Allez, on continue, moi, j’ai faim, dit  Judith en nous ramenant à la raison.

Alors, on a continué et on n’a plus fait attention à elle.
D’ailleurs, elle a séché ses larmes  jusqu’au moment où on a parlé des dix plaies.
Alors là, elle s’est levée et est partie en courant. 
Moi, j’ai voulu la rattraper pour lui dire de ne pas avoir peur, que c’était seulement un jeu et qu’il n’y aurait ni sauterelles, ni grenouilles, ni grêle, ni rien du tout…. Mais maman m’a dit de rester à table et qu’elle reviendrait ou ne reviendrait pas. Tant pis.

Et elle est revenue, silencieuse, et sérieuse. Et voilà qu’elle s’est mise à grignoter de la matza mais pas du tout quand il le fallait, et ça n’avait pas l’air de la gêner. Elle mettait, dans son assiette, de la matza qu’elle écrasait et mélangeait avec du harosset et de l’eau salée, et elle faisait de drôles de petites boulettes qu’elle alignait à côté de son assiette, sur la nappe.

On aurait dit qu’elle dessinait quelque chose, comme un petit serpent, un soleil  avec des raies Aa1  et une corde avec deux noeuds ronds comme deux yeux  O34    et un demi-cercle .

Alors Hanna  s’est levée et s’est approchée de notre invitée et elle a regardé  attentivement la nappe.

  • Mais c’est le  même dessin que sur le collier ! Maman, regarde !!, s’est elle exclamée.

Cette fois, Grand-père, David, l’oncle Ben, Grand-Mère, tout le monde a regardé la nappe et l’invitée d’un air étrange.

  • Dis-donc, a demandé Noémie, tu ne t’appellerais pas Mektou ou quelque chose comme ça, par hasard ?
  • Lo Mektou ! Ani  Ensémekhtouès, a-t-elle répondu, le visage soudain illuminé et en élevant ses deux bras vers le ciel.
  • Celle qu’on n’oublie pas, a chuchoté Elsa.

Alors Ensémekhtouès, alias Mektou, nous a souri et s’est levée doucement. On était tous pétrifiés.

Elle s’est approchée de Grand-Mère et s’est inclinée respectueusement.
Puis elle a pris le collier d’or et de turquoises qui était à côté de la coupe du Prophète Elie. Elle a murmuré quelques mots mystérieux, l’a mis autour de son cou et m’a demandé de l’aider  à  le fermer.  Puis, elle a mis la main sur son cœur en fermant les yeux. Il lui allait à la perfection.

Nous, on était de plus en plus sidérés. 

Alors elle s’est mise à raconter, dans une langue qui ressemblait à de l’hébreu mais qui n’en était pas et que nous comprenions tous, comme par enchantement, qu’il y a de très longues années, elle avait traversé la Mer rouge, avec les soldats du Pharaon à ses trousses ; elle avait tellement couru qu’elle avait alors perdu ce collier auquel elle tenait tant car il lui venait de sa nourrice Talia, qui était en fait sa mère naturelle.

Elle était radieuse et elle a embrassé la main de Grand-Mère qui était très embarrassée.
Puis elle a remercié à nouveau Grand-père pour l’invitation et le collier retrouvé.

Grand-Père  nous avait alors expliqué :
- Notre invitée parle l’araméen et c’est la raison pour laquelle elle a chanté tout à l’heure le texte de Ha lahma Anya, car il est en araméen, pas en hébreu.

Mais est-ce possible que tu sois vraiment Ensémekhtouès, et que tu aies suivi Moïse, il y a deux mille ans ? Ai-je alors demandé stupéfaite.

Elle m’a regardé alors d’un air lointain….  Elle a semblé hésiter à répondre. Et alors que nous pensions qu’elle allait parler, soudain, les pans de la grande tente voisine se sont mis à  battre des ailes, comme une immense colombe noire soulevée par le vent.  

Emporté par une bourrasque, le vin de la coupe du prophète Elie s’est alors soudain renversé et Mekhtou s’est évanouie dans la nuit, emportant le collier avec elle !!

- Zut ! Elle a pris le collier, a dit Judith.
- Mais il était  à elle, c’est normal, a répondu Hannah.
- Dommage qu’elle soit partie, a dit Elsa.  J’aurais tellement voulu qu’elle nous raconte comment cela s’est vraiment passé.
- Mais, nous allons le savoir en continuant le récit de la Haggadah, a enchaîné Grand-Père en nous demandant de nous rasseoir.

On avait du mal à se concentrer  car chacun regardait si Mekhtou n’allait pas revenir. On l’espérait tant ! 
Mais elle ne revint pas de ce  passé que nous étions en train de faire revivre, à notre façon.

Que d’émotions ! En fait, on s’est tous endormis à table. Trop vite. On n’a même pas demandé à grand-père notre cadeau pour l’afikoman.
Les parents ont fini la prière ; nous, on s’est juste un peu réveillés pour Had Gadia et là, j’ai cru entendre Mektou chanter avec nous. J’aurais parié qu’elle chantait……

Quel Seder !!  Que de choses nous aurions à raconter à notre retour en France. Heureusement qu’il nous restait une trace du collier : la photo que nous avions envoyée à Yossi ! Sans cela qui nous croirait ?
Et c’est comme cela que tous les cousins et les cousines,  nous avons passé un Seder inoubliable, au pied du Mont Sinaï, protégés, au milieu du désert, par Moïse qui mena Ensémekhtouèsl’une des esclaves du peuple des Hébreux, vers la liberté.
Cette liberté que nous rappelons chaque année, où que nous soyons………. et qui nous demande  d’inviter à notre table quiconque a faim.

Et qui sait, peut-être aurons-nous, une fois encore, cette année un invité surprise………. ????